Archive for octobre 2010

Autour de Roland Barthes

Roland Barthes et La Chambre claire



Quelques liens utiles, autour de Roland Barthes
  • A écouter et à regarder, autour des Mythologies : une introduction au texte, par un journaliste du Monde, et la réédition des Mythologies illustrées.
  • Sur L'empire des Signes, avec une petite introduction à la sémiologie et à la sémiotique. Barthes y décrit son rapport aux images comme une "sorte de vacillement visuel, analogue peut-être à cette perte de sens que le Zen appelle un satori" (L'empire des signes, in Oeuvres complètes t.3, p.349). 
  • Pour aller plus loin....le débat en ligne sur Roland Barthes, sur le site Fabula, avec des interventions d'Antoine Compagnon, d'Alexandre Gefen, de Marielle Macé... Les textes sont ouverts aux commentaires, il s'agit donc d'un véritable espace de débat. En lien avec le cours, voir "Le jardin d'hiver" (A. Gefen).
Autour de La Chambre claire

Le contexte d'écriture de La Chambre claire est important : ce texte doit être lu en parallèle avec d'autres textes, articles ou cours écrits entre 1977 et 1980, tous profondément marqués par la mort de la mère, le 25 octobre 1977.

(Ci-contre, photographie extraite de Roland Barthes par Roland Barthes,  représentant Roland Barthes et sa mère, sous-titrée : "La demande d'amour")

En 2009, paraît à titre posthume Le journal de deuil, parution qui suscita d'ailleurs la polémique en raison du caractère intime des notes publiées. Ce journal publie les notes prises par Roland Barthes après la mort de sa mère : ainsi, pendant deux ans (de 1977 au 15 septembre 1979), il écrira quelques 330 fiches sur son deuil.

"Neige, beaucoup de neige sur Paris; c'est étrange. Je me dis et j'en souffre: elle ne sera jamais plus là pour le voir, pour que je le lui raconte" 
(Journal de deuil, note du 12 février 1978)


Note du Journal de deuil, 17 septembre 1978

La Chambre claire est profondément marquée par la mort de la mère : s'il s'agit d'un texte sur la photographie (qu'est-ce que la photographie pour moi?), le texte s'affronte aussi à l'absence et au deuil (comment parler de la mère? se demande-t-il).
Ainsi, certains passages du Journal de deuil, s'interrogeant sur la mémoire et sur la trace du passé, peuvent être mis en parallèle avec des passages de La Chambre claire :

"Pourquoi aurais-je envie de la moindre postérité, du moindre sillage, puisque les êtres que j'ai le plus aimés, que j'aime le plus, n'en laisseront pas, moi ou quelques survivants passés? Que m'importe de durer au-delà de moi-même, dans l'inconnu froid et menteur de l'Histoire, puisque le souvenir de mam. ne durera pas plus que moi et ceux qui l'ont connue et qui mourront à leur tour. 
Je ne voudrais pas d'un "monument" pour moi seul.
Le chagrin est égoïste.
Je ne parle que de moi. Je ne puis parler d'elle, dire ce qu'elle était, faire un portrait bouleversant (comme celui que Gide fit de Madeleine)."
                                                                   (Extrait du Journal de deuil, note du 21 août 1978)

Ce portrait bouleversant, c'est l'enjeu du texte La Chambre claire, dont le centre irradiant est une photographie absente: la photographie du jardin d'Hiver, représentant la mère enfant, où Barthes la retrouve enfin. Ainsi, paradoxalement, c'est au moment où l'image disparait que la littérature advient (le portrait de la mère) et touche quelque chose.
Vous pouvez écouter une lecture de quelques extraits du Journal de deuil, par Olivier Py.


Cette photographie de Daniel Boudinet (Polaroïd, 1979) ouvre La Chambre claire. C'est la seule photographie en couleur du texte, et elle tranche clairement avec les autres photographies présentes (majoritairement des portraits). 

Bien entendu, la présence du rideau renvoie à la symbolique du dévoilement, voire du caché, et nous guide vers l'idée d'un dévoilement de soi ou d'un chemin vers le caché en soi, soit l'inconscient. 
On peut en faire une lecture plus théorique, en pensant à ce texte de Pline: 

"Le peintre Zeuxis d’Héraclès avait pour rival le peintre Parrhasios. Lors d’un concours, Zeuxis peignit des raisins avec tant de ressemblance, que des oiseaux vinrent les becqueter ; tandis que Parrhasios représenta un rideau si fidèlement au modèle, que Zeuxis, tout fier d’avoir piégé les oiseaux, demanda qu’on tirât enfin le rideau, pour faire voir le tableau. Alors, reconnaissant son illusion, il s’avoua vaincu avec une franchise modeste, attendu que lui n’avait trompé que des oiseaux, mais que Parrhasios avait trompé un artiste, qui était Zeuxis." (Pline, Histoires naturelles, XXXV-64)

Cette photographie ferait-elle référence à l'effet de réel (mais aussi à l'illusion) propre à toute photographie?


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Walter Benjamin - "Petite histoire de la photographie" (1931)

Ce texte paraît en 1931 dans un magazine culturel (Die literarische Welt) auquel Walter Benjamin collabore depuis 1925.
Comme le rappelle André Gunthert dans son étude sur ce texte ("Archéologie de la Petite histoire de la photographie"), l'écriture de ce texte est due à une conjonction éditoriale: trois ouvrages historiques sur la photographie (l'un consacré à la photographie ancienne en 1930, l'autre dédié à Eugène Atget en 1930 et le dernier à David Octavius Hill en 1931). A l'époque, les ouvrages de langue allemande consacrés à l'histoire de la photographie sont encore rares. Par ailleurs, sont également parus ces mêmes années des albums consacrés à des photographes: Albert Renger-Patzsch (1928), Karl Blossfledt (1928) et August Sander (1929), dont Benjamin a sans doute eu connaissance.

Les photographes (ou photographies) suivants sont cités dans la Petite histoire de la photographie. Les extraits qui suivent proviennent de la traduction proposée par André Gunthert.



Carte de visite d'Eugène Adelphe Disderi
"Les ouvrages les plus récents s'accordent sur le fait frappant que l'âge d'or de la photographie, l'activité d'un Hill ou d'une Cameron, d'un Hugo ou d'un Nadar correspond à sa première décennie. Or c'est la décennie qui précède son industrialisation. Non que, dès les premiers temps, bonimenteurs et charlatans ne se fussent emparés de la nouvelle technique pour en tirer profit ; ils le firent même en masse. Mais ce point appartient plus aux arts de la foire où, il est vrai, la photographie a jusqu'à présent été chez elle qu'à l'industrie. Celle-ci ne conquit du terrain qu'avec la carte de visite photographique, dont le premier fabricant, c'est significatif, devint millionnaire."

Walter Benjamin fait ici allusion au photographe Eugène Adolphe Disderi, qui fit fortune avec le procédé des cartes de visites photographiques. La technique mise au point par Disderi permettait en effet de diminuer les coûts et d'obtenir dix petites images sur une même planche.
La photographie pouvait ainsi devenir, "médium à vocation de masse", selon l'expression employée par André Rouillé (L'empire de la photographie, Sycomore, Paris, 1982, p.192)

Hill et Adamson, Pêcheuse de Newhaven, calotype
Walter Benjamin évoque les photographies de David Octavius Hill, photographe mais aussi peintre, et les décrit non comme des portraits, mais comme des "images d'une humanité sans nom". Benjamin montre ce qui, pour lui, différencie le portrait en peinture des portraits photographiques en général, et des portraits de Hill en particulier :

"Ces têtes, on les voyait depuis longtemps sur les tableaux. Lorsque ceux-ci demeuraient dans la famille, il était encore possible de s'enquérir de loin en loin de l'identité de leur sujet. Mais après deux ou trois générations, cet intérêt s'éteignait : les images, pour autant qu'elles subsistaient, ne le faisaient que comme témoignage de l'art de celui qui les avait peintes. Mais la photographie nous confronte à quelque chose de nouveau et de singulier : dans cette marchande de poisson de Newhaven, qui baisse les yeux au sol avec une pudeur si nonchalante, si séduisante, il reste quelque chose qui ne se réduit pas au témoignage de l'art de Hill, quelque chose qu'on ne soumettra pas au silence, qui réclame insolemment le nom de celle qui a vécu là, mais aussi de celle qui est encore vraiment là et ne se laissera jamais complètement absorber dans l'"art"."

Ce passage peut être rapproché de certaines pages de La Chambre claire de Roland Barthes, lorsqu'il évoque le "ça a été" de la photographie ("ça a été", nous dit l'image: c'est à la fois un certain rapport à la réalité et un certain rapport au temps). 


"Karl Dauthendey avec sa fiancée Mlle Friedrich après leur première visite à l'église, le 1er septembre 1857”, Saint-Pétersbourg, autoportrait, reproduit in: Helmuth BOSSERT, Heinrich GUTTMANN, Aus der Frühzeit der Photographie. 1840-1870, Francfort/Main, Societäts-Verlag, 1930

"Ou bien l'on découvre l'image de Dauthendey, le photographe, père du poète, à l'époque de ses fiançailles avec la femme qu'il trouva un jour, peu après la naissance de son sixième enfant, les veines tranchées dans la chambre à coucher de sa maison de Moscou. (...) On la voit ici à côté de lui, on dirait qu'il la soutient, mais son regard à elle est fixé au-delà de lui, comme aspiré vers des lointains funestes."

Ce qui intéresse Benjamin dans cette photographie représentant ce couple (Karl Dauthendey et sa fiancée) c'est la dimension d'"ici et maintenant" présente dans la photographie, mais aussi ce qu'on pourrait nommer la juxtaposition de temporalité, la "composition d'anachronismes" (G. Didi-Huberman). Regardant cette photographie, nous voyons à la fois un temps qui n'est plus (celui du couple photographié), un temps à venir (la mort tragique de la femme), tout en l'observant de notre temps présent.

"Malgré toute l'ingéniosité du photographe, malgré l'affectation de l'attitude de son modèle, le spectateur ressent le besoin irrésistible de chercher dans une telle image la plus petite étincelle de hasard, d'ici et maintenant, grâce à quoi la réalité a pour ainsi dire brûlé de part en part le caractère d'image -  le besoin de trouver l'endroit invisible où, dans l'apparence de cette minute depuis longtemps écoulée, niche aujourd'hui encore l'avenir, et si éloquemment que, regardant en arrière, nous pouvons le découvrir."

Il faut cependant garder à l'esprit que, comme le montre bien l'article de André Gunthert sur ce texte (Archéologie de la Petite histoire de la photographie, op.cit.), Benjamin fait une erreur d'interprétation de cette image, un lapsus en somme: en vérité, la femme représentée n'est pas celle qui s'est suicidée mais la deuxième épouse de Dauthendey. Si Benjamin voit dans cette image une telle dimension tragique, c'est car il se réfère à un texte biographique, écrit par Max Dauthendey sur son père. Autrement dit, l'intérêt de Benjamin pour cette photographie ne prend pas sa source dans l'image, mais dans le texte, et l'image est seulement le support d'une fiction. 

C'est en parlant des photographies d'Eugène Atget que Walter Benjamin donne une définition de ce qu'il nomme l'aura, "unique apparition d'un lointain, si proche soit-il".
Benjamin reprendra cette idée d'aura dans un texte important publié en 1935, L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, où il s'interroge sur les mutations de l'art liées au développement de la technique. Pour l'expliquer très rapidement, sa réflexion porte principalement sur la photographie et sur le cinéma : il s'agit de comprendre en quoi leur aspect reproductible, non unique, change la perception de l'oeuvre d'art et entraîne la disparition de son aura, de son "hic et nunc", son "ici et maintenant".

Eugène Atget
Rue Quincampoix
Tirage de 1900 ou 1901 d'après négatif de 1900
Photographie positive sur papier albuminé, d'après négatif sur verre au gélatino-bromure.
Épreuve : 21 x 17 cm


Eugène Atget
Marché des Carmes, place Maubert, 1910-1911
Tirage entre 1910 et 1912 d'après négatif de 1910 ou 1911
Série : Paris pittoresque, 2e série
Photographie positive sur papier albuminé, d'après négatif sur verre au gélatino-bromure.
Épreuve : 21,6 x 16,7 cm

Atget "recherchait ce qui se perd et ce qui se cache, et c'est pourquoi ses images contredisent la sonorité exotique, chatoyante, romantique des noms de ville : elles aspirent l'aura du réel comme l'eau d'un bateau qui coule. Qu'est-ce au fond que l'aura ? Un singulier entrelacs d'espace et de temps : unique apparition d'un lointain, aussi proche soit-il. Reposant par un jour d'été, à midi, suivre une chaîne de montagnes à l'horizon, ou une branche qui jette son ombre sur le spectateur, jusqu'à ce que l'instant ou l'heure ait part à leur apparition c'est respirer l'aura de ces montagnes, de cette branche."

A noter que la BNF a consacré une exposition à Eugène Atget, disponible en version virtuelle sous la forme d'un parcours visuel dans l'oeuvre du photographe.


Photographies d'Albert Renger-Patzsch, tirées de l'album Die Welt ist schön (Le Monde est beau) (éd. C. G. Heise), Munich, Kurt Wolff, 1928

Walter Benjamin fait aussi une critique de la photographie dite "décorative" , de la photographie de "création" dans la "Petite histoire de la photographie". Il entend dénoncer là une photographie qui s'affranchit de sa dimension éthique, historique et politique pour ne devenir qu'esthétique. Une photographie, donc, réduite à sa dimension  esthétisante, qui cherche à plaire plutôt qu'à délivrer une expérience et un enseignement.
Benjamin pense sans doute, notamment, aux photographies d'Albert Renger-Patzsch (dont l'album s'intitule Die Welt ist schön, Le monde est beau).

"Si la photographie s'affranchit du contexte que fournissent un Sander, une Germaine Krull ou un Blossfeldt, si elle s'émancipe des intérêts physiognomoniques, politiques ou scientifiques, alors elle devient "créatrice". L'affaire de l'objectif devient le "panorama" ; l'éditorialiste marron de la photographie entre en scène. (...) " Le monde est beau " telle est sa devise. En elle se dissimule la posture d'une photographie qui peut installer n'importe quelle boîte de conserve dans l'espace, mais pas saisir les rapports humains dans lesquels elle pénètre, et qui annonce, y compris dans ses sujets les plus chimériques, leur commercialisation plutôt que leur connaissance. Mais puisque le vrai visage de cette création photographique est la publicité ou l'association, son véritable rival est le dévoilement ou la construction."

Pour terminer, il faut garder à l'esprit en abordant ce texte de Benjamin que, comme André Gunthert le rappelle, Walter Benjamin comme Roland Barthes "utilisent leur propre intimité pour approcher et comprendre l'image et y insuffler du récit."
Autrement dit, l'approche de ces deux penseurs montre à quel point l'image peut être souvent prise dans un discours, dans une fiction qui oriente sa perception et sa lecture. A ce sujet, Paul Edwards écrit ceci: "Traversée de mots, mise en mots, mettant en scène les mots, avoisinant les mots, il y a toujours un discours public et privé qui hante l'image" (in Soleil noir. Photographie et littérature, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p.10).
Cette intimité, nous la découvrirons pan par pan en entrant dans les oeuvres de Roland Barthes et de W.G. Sebald.




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Littérature et photographie, entre échanges et défiances

1. Les reproches faits à la photographie

Les reproches faits par les gens de lettres lors de la naissance de la photographie sont multiples (sur ce sujet, voir Paul Edwards, Soleil Noir. Photographie et littérature, et son anthologie, Je hais les photographes, deux ouvrages figurant dans la bibliographie). En voici quelques-uns.

- La photographie est sans pitié, impassible, démocratique
Ralph Waldo Emerson écrivait de la photographie en 1841: le daguérreotype est "la vraie peinture démocratique". On peut entendre les préjugés aristocratiques de Henri Fox Talbot, dans The Pencil of Nature, lorsqu’il parle de l’objectif qui décrit, « avec la même impartialité », l’Apollon du Belvédère et un ramoneur.
La photographie met donc tout le monde sur le même plan. Mais aussi, par son réalisme cru, elle enlaidit et incite au voyeurisme... parallèlement, en peinture, c'est ce qu'on reprochera aussi à un tableau célèbre, l'Olympia de Manet (1863, Musée d'Orsay, 130,5 x 190)



- La photographie tue, rappelle la mort. Elle capte les "spectres"
Immobilisant le sujet dans une pose fixe, la photographie est souvent comparée à une dépouille:  "l'image photographique est mortifère quand elle est considérée comme la trace physique d'une présence, le reliquaire d'un spectre, ou par ses éléments esthétiques, son noir, son image vivante d'un monde rendu immobile" (Paul Edwards, Soleil Noir. Photographie et littérature, p.17)
Certains pensaient également que la photographie était capable de capter un objet physique ou un spectre de lumière. Ainsi, les photographies successives d'un même individu "effeuillaient" en quelque sorte l'âme, dont les peaux de lumière étaient fixées par le daguerréotype. 
Daguerréotype de Balzac par Nadar, 1840

Balzac aimait peu se faire photographier et on lui doit, si l'on en croit Nadar, ce qu'on nomme la théorie balzacienne des spectres. Cette théorie s'illustre dans La légende du daguerréotype de Jules Champfleury (1863).

Cette idée que la photographie permet de capter l'invisible a donné lieu à des ramifications surprenantes, et notamment la photographie spirite. William H. Mumler, photographe anglais, exploita ses possibilités à partir de 1862, suite à une surimpression qu'il découvrit sur une photographie de lui-même.


2. Baudelaire, "Le public moderne et la photographie"

Pour un commentaire intéressant de ce texte:
 Marc-Emmanuel Mélon, « Baudelaire, la photographie, la modernité. Discordances paradoxales » (voir en bas de la page pour obtenir l'article en PDF). 

- La relation Baudelaire / Nadar:
"Nadar fut pour Baudelaire celui de ses ennemis intérieur qu’il a vraiment aimé. Baudelaire fut pour Nadar l’objet de sa ferveur la plus ardente autant que la plus déconcertée." (J. Thélot, Les inventions littéraires de la photographie, p.33).

Photographie de Baudelaire par Nadar, 1854 

 
Portrait de Baudelaire par Carjat, 1866

- Le daguerréotype ou le culte des images à l'époque de Baudelaire

 
La Daguerréotypomanie, Théodore Maurisset

- Les usages de la photographie auxquels fait référence Baudelaire dans ce texte:
a) La photographie dite "artistique" qui recourt à des comédiens, et qui prend ses modèles dans la peinture d'histoire et de genre, beaucoup pratiquée vers les années 1850. 
« En associant et en groupant des drôles et des drôlesses, attifés comme des bouchers et des blanchisseuses dans le carnaval, en priant ces héros de bien vouloir continuer, pour le temps nécessaire à l’opération, leur grimace de circonstance, on se flatta de rendre les scènes, tragiques ou gracieuses, de l’histoire ancienne. »

 
O.G. Rejlander, The two ways of life, 1857 (la composition est influencée par Raphaël et l'école d'Athènes)


b) La production destinée au stéréoscope. Les lecteurs de l'époque savaient qu'elle était principalement pornographique.
« Peu de temps après, des milliers d’yeux avides se penchaient sur les trous du stéréoscope comme sur les lucarnes de l’infini. L’amour de l’obscénité, qui est aussi vivace dans le coeur naturel de l’homme que l’amour de soi-même, ne laissa pas échapper une si belle occasion de se satisfaire. Et qu’on ne dise pas que les enfants qui reviennent de l’école prenaient seuls plaisir à ces sottises ; elles furent l’engouement du monde. »

Auguste Belloc, Femme nue devant un miroir, daguerréotype stéréoscopique, vers 1851-1855

Stéréoscope de Holmes

c) L'usage mémoriel, scientifique et documentaire de la photographie, que Baudelaire décrit en ces termes: "Qu’elle sauve de l’oubli les ruines pendantes, les livres, les estampes et les manuscrits que le temps dévore, les choses précieuses dont la forme va disparaître et qui demandent une place dans les archives de notre mémoire, (la photographie) sera remerciée et applaudie."


Valeur testimoniale et mémorielle de la photographie
 "La Photographie, en somme, a institué une véritable illustration de l’État-Civil". Valéry n'insiste cependant pas trop sur ce point.


Photographie et illusion 
"Qu'est-ce que la fameuse caverne de Platon, si ce n'est déjà une chambre noire, la plus grande, je pense, que l'on ait jamais réalisée. S’il eût réduit à un très petit trou l’ouverture de son antre, et revêtu d’une couche sensible la paroi qui lui servait d’écran, Platon, en développant son fond de caverne, eût obtenu un gigantesque film ; et Dieu sait quelles conclusions étonnantes nous eût-il laissées sur la nature de notre connaissance et sur l’essence de nos idées. "

Ce texte de Valéry, datant de 1939, doit être lu en parallèle avec la "Petite histoire de la photographie" de Walter Benjamin, texte quasi contemporain (1931), qui sera commenté lors du prochain cours.
Vous trouverez ici une version électronique de l'article de Walter Benjamin, qui comprend les images citées par l'auteur, dans une traduction d'André Gunthert. Vous pouvez aussi télécharger ce texte en PDF.







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