Il n'est pas toujours évident de faire coïncider le temps de la réflexion et le temps du blog, qui demande des publications régulières. Ce n'est d'ailleurs pas toujours l'envie qui me fait défaut, mais parfois le temps.
Cependant, comme je parle aussi régulièrement de photographie, je proposerai de temps à autre, les semaines où le temps semble vous prendre à la gorge, une petite sélection de mes découvertes photographiques.
Voici donc, en attendant le prochain article, quelques univers photographiques choisis pour leur puissance narrative, pour leur pouvoir de nous raconter des histoires à la manière de contes étranges - et parfois, inquiétants: comme dirait Freud, empreint d'inquiétante étrangeté, "ce qui aurait dû rester caché, secret, mais qui se manifeste".
Alessandra Sanguinetti
Je commencerai avec une artiste photographe dont l'univers est à la fois délicat et inquiétant, à la croisée de l'imaginaire et de la réalité, et souvent très poétique. Dans sa série nommée "The Adventures of Guille and Belinda and the Enigmatic Meaning of their Dreams", elle met en scène l'imaginaire de l'enfance, ses fantasmes, ses rêves et ses parts obscures. Il s'agit d'un travail photographique, commencé en 1999 par Alessandra Sanguinetti, qui retrace l'histoire de deux de ses cousines, Guille et Belinda.
(D'autres photographies sur le site de la photographe)
Camila, 1999. |
Immaculate conception, 1999 |
La série suivante, "The life that came", nous fait entrer dans une autre période de la vie des deux cousines, dont l'enfance se détache peu à peu, au seuil d'une vie d'adulte.
Time flies, 2005 |
Gregory Crewdson
Voilà un photographe sans doute bien plus connu, dont l'univers est, me semble-t-il, très proche de celui de David Lynch, ou parfois d'Hitchcock. Chacune de ces photographies nous amène à fantasmer un récit : mais que s'est-il donc passé? Dans un univers imprégné par l'imaginaire des provinces américaines (la banlieue middle-class, le motel, le bar) se trament d'étranges fictions, souvent peu rassurantes quoique familières. Voilà une illustration photographique du "unheimlich", de l'inquiétante étrangeté freudienne, ce mélange de connu et d'inconnu, cette irruption de l'inquiétude dans le cadre le plus familier.
Robert Parker Harrison
Et, pour terminer ce bref parcours dans des récits photographiques oniriques ou simplement étranges, quelques photographies de Robert Parker Harrison. Je dois à un ami la découverte de ce photographe dont j'ai immédiatement aimé la part de rêve, de poésie visuelle et de surréalisme. Chacune est un petit univers en soi, une fenêtre vers un récit impossible: toutes sont extraites de la série "Architect's brother" (le frère de l'architecte).
D'autres sont visibles sur son site.
Et, pour terminer avec des mots, des récits de rêves: voici un site qui recensent nombre de récits de rêves, de l'Antiquité à nos jours, et où l'on croise quelques illustres écrivains qui ont voyagé dans ces étonnantes contrées: Breton, Borgès, Proust, Caillois... Pour rêver avec eux, c'est ici.
Et, pour rendre hommage à Jorge Semprun, récemment disparu, un extrait de L'écriture ou la vie, où le rêve prend le visage dur d'une mort dans une vie en cours:
"Un rêve à l'intérieur d'un autre rêve, sans doute. Le rêve de la mort à l'intérieur du rêve de la vie. Ou plutôt : Le rêve de la mort, seule réalité d'une vie qui n'est elle-même qu'un rêve. Primo Levi formulait cette angoisse qui nous était commune avec une concision inégalable. Rien n'était vrai que le camp, voilà. Le reste, la famille, la nature en fleurs, le foyer, n'était que brève vacance, illusion des sens."